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L’Europe peut-elle se défaire du gaz russe ? – 1/2

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Les relations actuelles de l’Union Européenne avec Moscou sont pour le moins tendues. L’Ukraine reste une épineuse question qui a engendré des sanctions mutuelles. Toutefois, il serait erroné de penser que l’Europe n’a pris conscience de sa dépendance énergétique qu’avec le récent conflit entre Kiev et Moscou. Depuis déjà plusieurs années, l’UE s’évertue à devenir moins dépendante des humeurs de Moscou avec ses voisins. Ainsi, elle s’est plus ou moins dotée d’une stratégie énergétique dans une Europe à 28 où les intérêts nationaux sont des handicaps.

Une dépendance énergétique hétérogène

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Cartographie des différents degrés de dépendance au gaz russe au sein de l’Union Européenne

Parler de dépendance fait bien souvent l’objet de fantasmes sans pour autant identifier clairement ce phénomène. Sans alourdir démesurément la lecture, éclairons certains faits. Tout d’abord, les pays de l’UE importent près de 70% de leur consommation de gaz. Elle dispose en effet d’une production interne, notamment avec le Pays-Bas qui dispose du gisement de Groningue, l’un des plus importants au monde. Sur les 70% du gaz importé, le tiers provient de Russie. En définitive, 20% du gaz consommé en Europe est russe. Cependant, ces chiffres traduisent une réalité variable selon les pays. En 2014, les livraisons de Gazprom à l’UE se sont élevées à 119 Giga m3, dont la moitié était à destination de l’Allemagne et de l’Italie. En outre, les pays d’Europe de l’Est sont évidemment les plus dépendants aux livraisons russes : pays baltes, Suède, Finlande, République tchèque, tous ces pays consomment quasi-uniquement du gaz importé de Russie. A l’Ouest, la France n’en dépend du gaz russe que pour 14% de sa consommation tandis que l’Espagne et la Grande-Bretagne n’en importent pas. Cependant, plusieurs crises d’approvisionnement ont déjà mis en lumière la déstabilisation que pourrait provoquer une fermeture des vannes. Les relations entre Kiev et Moscou ont montré les faiblesses du système, et cela bien avant l’annexion de la Crimée. Si un conflit gazier est déjà survenu en 2006, c’est surtout en janvier 2009 que s’ouvre un sérieux différend. Gazprom ira jusqu’à interrompre totalement les livraisons transitant par l’Ukraine. L’UE était alors directement privée de 20 % de son gaz en plein hiver, pendant 14 jours… Une troisième coupure est survenue plus récemment, entre juin et décembre 2014, mettant en lumière la résilience d’un système énergétique européen qui a appris de ses déboires.

Contournement, diversification et meilleure intégration du réseau européen

Contournement. C’est un fait majeur, la Russie est un partenaire incontournable dans la livraison de gaz. Sa proximité géographique et les corridors que sont les pipelines, permettent d’irriguer une bonne partie de l’Europe, notamment de l’Est. C’est donc un atout géopolitique que détient Moscou sur ses voisins immédiats, sur son « étranger proche ». Afin de garantir leurs propres approvisionnements, certains pays et l’UE ont donc cherché à se protéger des pics de colère entre la Russie et ses anciens satellites. L’exemple ukrainien est édifiant : en 2012, encore 70% du gaz russe importé transitait par l’Ukraine. Depuis 2012, le gazoduc North Stream permet de soulager la pression mise sur le transit ukrainien. Reliant directement la Russie à l’Allemagne en passant par la mer Baltique, il permet de contourner les Pays Baltes, eux-aussi en tension avec Moscou. Mais encore aujourd’hui, 40% du gaz russe est livré via l’Ukraine. Le projet South Stream a été avorté l’année dernière suite à des désaccords sur le tracé du gazoduc par des pays d’Europe du Sud-Est comme la Bulgarie. Au total, ce sont donc 3 gazoducs qui livrent du gaz russe en Europe, dont 2 contournent l’Ukraine.

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Répartition géographique des terminaux destinés au GNL

Diversification. Depuis l’abandon de South Stream, l’Europe se questionne à précipiter la relance d’un projet similaire à Nabucco pour s’approvisionner directement en Asie centrale (Azerbaïdjan, Iran). Mais avec une consommation et des cours à la baisse, cela n’incite guère à investir dans des projets de long terme. Au contraire, la Commission Européenne a lancé des initiatives pour sécuriser au mieux l’Europe en matière d’énergie. Tout d’abord, elle a impulsé la création d’un marché gazier unique afin de mettre davantage en concurrence les différentes sources d’approvisionnement. C’est dans cette optique que le Gaz Naturel Liquéfié a un rôle à jouer. Transporté par méthaniers jusqu’à des terminaux de réception, il a l’avantage d’éliminer la dimension géopolitique terrestre des gazoducs. Aujourd’hui, la plupart des infrastructures nécessaires à la réception et la re-gazéification se situent en Europe de l’Ouest. Conscients de leurs faiblesses, plusieurs pays tels que la Lituanie, l’Estonie ou encore la Pologne sont en train de se doter d’infrastructures pour accueillir davantage de GNL dans leur consommation interne. Malgré les nécessaires investissements pour les infrastructures de transformation, le GNL présente plus de flexibilité que le gaz naturel. En effet, le transit par voie maritime permet d’envisager les livraisons à une échelle plus court-termiste que ne le seraient celles qui se font par voie terrestre, via des gazoducs. Cette caractéristique essentielle fait donc du GNL une sorte de variable d’ajustement idéale pour pallier à des situations de crises qui entraveraient l’importation de gaz russe.

Intégration. Enfin, une carte des différents gazoducs européens illustre clairement une troisième nécessité bien comprise par la Commission européenne. Traditionnellement, l’approvisionnement du gaz naturel s’est fait de l’Est vers l’Ouest, avec un maillage de pipelines à sens unique. En cas de conflit gazier avec la Russie, les pays les plus vulnérables seraient les plus dépendants, et donc ceux d’Europe de l’Est. Plus l’on s’avance vers l’Europe de l’Ouest, moins l’approvisionnement en gaz naturel russe y tient une place prépondérante. C’est pourquoi la Commission a engagé les pays à faire jouer la solidarité en matière d’énergie. Grâce aux conclusions tirées de stress-test réalisés sur le réseau européen, les Etats membres se sont vu obligés d’assurer la réversibilité de leurs flux transfrontaliers et le renforcement des points d’interconnexions. L’objectif est clair, si l’Est approvisionne l’Ouest, l’inverse doit être possible en situation de crise. C’est ainsi que le maillage européen a été considérablement renforcé depuis 2009. Le nombre d’interconnexions est en constante augmentation : en 2014, Bruxelles a par exemple investi plus d’un demi-milliard d’euros pour que les Pays Baltes ne soient plus des goulots d’étranglement.

Face aux crises gazières endurées, l’UE avait donc anticipé une sortie de dépendance au gaz naturel russe. Aujourd’hui encore, les relations tendues avec le Kremlin font d’une stratégie énergétique commune, une nécessité. Nous constatons ici qu’il y a des ébauches de ce type. Malheureusement, si l’Europe peut se sortir d’une crise ponctuelle d’approvisionnement grâce à ses efforts de solidarité et un renforcement des stocks, elle éprouve de sérieuses difficultés à se passer de son fournisseur traditionnel.

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